L’affaire fait grand bruit, et à juste titre. Nazih Marwan Al-Azzi, un jeune influenceur de 25 ans, connu sur les réseaux sociaux sous le pseudonyme « Nazih », a récemment été arrêté au Liban. D’origine gabono-libanaise, le jeune homme s’est illustré par des accusations fracassantes à l’encontre du président gabonais, Brice Clotaire Oligui Nguema. Selon ses propres dires, il détiendrait des enregistrements vidéo et audio susceptibles de compromettre sérieusement le chef de l’État. Pour ne pas les rendre publics, il aurait exigé de Libreville la somme faramineuse de six milliards de francs CFA. Si les faits sont avérés, ils relèvent d’un chantage d’une gravité extrême. Car il ne s’agit pas ici d’un simple buzz ou d’une tentative désespérée de gagner des abonnés : c’est une tentative manifeste de déstabilisation politique par la menace numérique. En prenant pour cible la plus haute institution de l’État, Nazih ne s’en prend pas seulement à un homme, mais à l’équilibre même de la nation gabonaise. Au-delà de la personnalité controversée de l’influenceur, cette affaire met en lumière les dérives d’une époque où les réseaux sociaux deviennent des terrains d’affrontement sans règles, où des individus, mus par la célébrité ou l’argent, se donnent le pouvoir de faire et défaire des réputations, voire des régimes. Mais cette affaire appelle aussi à la prudence et à la rigueur. Car si les accusations sont fausses ou montées de toutes pièces, elles relèvent d’un crime grave et doivent être punies comme telles. Si elles sont fondées, alors elles révèlent une faille inquiétante dans les plus hautes sphères de l’État. Dans tous les cas, la vérité doit être faite, en toute transparence et dans le respect du droit. Enfin, cette affaire interpelle sur la nécessité, pour les États africains, de mieux encadrer les espaces numériques, sans pour autant basculer dans la censure. La liberté d’expression ne peut être un alibi pour le chantage ou la manipulation. Il est temps que les influenceurs, eux aussi, répondent de leurs actes devant la loi. Ce triste épisode nous rappelle que le numérique peut être un formidable outil de démocratie — ou une arme dangereuse lorsqu’il est placé entre de mauvaises mains.
Eliane Diop ✍️
