Le verdict est tombé : vingt ans de prison ferme et un milliard de francs CFA de dommages et intérêts. Ce 9 août, Succès Masra, ancien Premier ministre et figure de l’opposition tchadienne, a été reconnu coupable de « diffusion de messages à caractère raciste et xénophobe », d’« association de malfaiteurs » en lien avec les violences de Mandakao, et de complicité de meurtre. Ce jugement, au-delà de son poids juridique, sonne comme un coup de tonnerre dans le paysage politique tchadien. Car derrière les articles de loi et les motifs invoqués, c’est tout un climat qui se révèle : celui d’un pays où la confrontation politique se joue souvent dans les prétoires, et où les opposants paient parfois le prix fort de leurs prises de position. La sévérité de la sentence interroge : vise-t-elle uniquement à sanctionner des actes précis, ou s’agit-il d’un signal envoyé à tous ceux qui oseraient défier le pouvoir ? Dans un Tchad encore marqué par des tensions communautaires et une transition politique fragile, la frontière entre justice et instrumentalisation judiciaire devient particulièrement mince. L’affaire Masra met en lumière une double urgence : rétablir la confiance dans une justice indépendante et garantir un espace politique où l’opposition puisse s’exprimer sans craindre l’exil ou la prison. Sans cela, le risque est grand que les fractures s’élargissent et que les tensions s’exacerbent. Dans une démocratie, condamner un opposant doit relever du droit, jamais du règlement de comptes. Le Tchad ne pourra avancer que si le verdict du peuple, exprimé dans les urnes, prévaut sur celui des tribunaux utilisés comme arme politique.
